CLAUDE LELOUCH: UN RÉLISATEUR LIBRE


«La France ayant inventé le cinéma, on a le devoir d’être toujours à la pointe du combat.“

Réalisateur, producteur, scénariste et cadreur, Claude Lelouch est avant tout un fin connaisseur des relations humaines. Formé au cinéma par l’expérience acquise lors des années de travail en tant que réalisateur de reportages, parfois risqués, il se lance dans la réalisation des films en 1960, en créant sa société de production  Les Films 13. Après avoir essuyé des échecs consécutifs avec ses premiers films, il connaît, en 1966, une gloire planétaire avec son film Un homme et une femme, rencontre amoureuse de Jean-Louis Trintignant et Anouk Aimée, ayant comme toile de fond la belle plage de Deauville. Deux Oscars et la Palme d’Or à Cannes ont couronné le talent de ce jeune cinéaste. Plus de 50 années après, Lelouch est devenu une icône du cinéma français. Certes, sa filmographie iconoclaste n’a pas toujours fait l’unanimité auprès de critiques et des spectateurs, mais peu importe, sa place dans l’histoire du cinéma français ne se discute pas et la liberté de pouvoir faire les films qu’il veut faire, lui donnent une place de choix comme l’un de plus grands réalisateurs en écrivant de belles pages du cinéma tout-court.  

 

«J’aime les acteurs! Ce que j’aime encore plus dans mon cinéma, c’est quand ils ne sont  plus acteurs et qu’ils redeviennent de simples êtres humains!»

Monsieur Lelouch, en Colombie, nous admirons beaucoup votre travail de réalisateur. Vos films ont une constante traitée avec art et subtilité: le rapport hommes-femmes. Mais il y a un de vos films qui est plus dans l’introspection du personnage principal, Sam Lion (Belmondo), dans Itinéraire d’un enfant gâté. Comment vous est venue l’idée de créer un personnage à la fois fort et touchant, qui reste l’une de plus belles interprétations de Belmondo?

Le film est né d’une dépression en quelques sortes… A l’époque, ma vie sociale et ma vie de cinéaste me pesaient… Je n’étais pas encore totalement remis de l’échec de mon film précédent «20 ans déjà». J’avais pour la première fois envie de partir en vacances, quitter ce que j’aimais le plus: ma famille, les amis, Paris… J’ai pensé disparaître. Le titre dit tout: J’étais un enfant gâté et c’est de toutes les bonnes choses de la vie que je me lassais. Je me suis mis à penser que ce qui arrangerait tout le  monde serait que je disparaisse. Un matin, j’ai quitté la maison en me disant que je ne  rentrerai pas ce soir. Je suis sorti de Paris, sans trop savoir où aller. À peine arrivé à  Fontainebleau, je me suis dit que j’étais le roi des cons: je venais de trouver un  superbe sujet de film et je ne m’en étais pas aperçu! Car tous ceux que j’aimais me  manquaient, alors que je n’avais même pas passé une seule nuit dehors. En rentrant à Paris, j’ai tout de suite pensé à Jean-Paul Belmondo. Il était dans une phase similaire à  la mienne… Il a tout de suite voulu me suivre dans cette aventure qui nous ressemblait  totalement.

J’ai toujours mêlé ma vie à mon processus de création!

Quelles sont les personnes et/ou les situations qui vous inspirent pour faire vos films?

Tous mes films me sont inspirés de faits réels… Je suis une véritable concierge! J’observe tout, je me nourris de tout ce que je vois. Comme quand j’écris «Un homme et une femme»! Je sortais d’une projection catastrophique de mon précédent film. Je n’avais plus envie de rien… J’ai foncé vers Deauville… Je ne savais même pas pourquoi j’allais vers Deauville. Je me suis endormi face à la mer dans ma voiture… Au levé du jour, j’ai vu une femme et son enfant qui marchaient au loin sur la plage. J’ai eu besoin de sortir de ma voiture pour prendre l’air… Plus j’avançais vers cette femme, plus je me posais des questions: Qu’est ce qu’elle fait si tôt ici avec son enfant? Peut-être qu’elle essaye de profiter le plus possible de son enfant car elle ne le voit pas beaucoup… Peut-être son enfant est en pension… Petit à petit, le scénario du film entrait dans ma tête! J’ai toujours mêlé ma vie à mon processus de création!

Quelle est la place de la musique dans vos films ? Est-ce qu’elle vous guide parfois dans la marche à suivre lors d’un tournage?

La musique c’est avec la caméra l’acteur le plus important! Celui qu’on ne voit pas. La musique c’est ce qui parle le plus à l’inconscient des spectateurs. Si j’enregistre la musique de mes films avant le tournage, c’est que je ne souhaite pas qu’elle soit un complément… Quelque chose pour combler un vide, mais qu’elle soit véritablement un acteur fondamental de l’histoire.

Avec le recul, comment vous vous sentez aujourd’hui avec votre riche carrière de cinéaste, producteur et scénariste, Avez-vous de regrets, par exemple, ne pas avoir embrassé une carrière en Amérique après le succès fulgurant de votre film Un homme et une femme?
Je ne regrette absolument rien ! J’ai eu plusieurs propositions pour tourner aux États- Unis… Steve Mcqueen, Marlon Brando, John Travolta, Barbra Streisand, … Mais je n’ai jamais eu envie d’avoir la pression des studios. Un homme et une femme m’a rendu libre! Je tenais à garder cette liberté… Toujours garder le final-cut sur mes films, faire les films que j’avais envie de faire…

La plupart des comédiens avec lesquels vous avez travaillé coïncident sur le fait que vous êtes le meilleur directeur d’acteur, comme l’a si joliment évoqué Monsieur Jean-Louis Trintignant. Comment définiriez-vous votre travail de réalisateur et le rapport avec les comédiens avec lesquels vous avez travaillez?

J’aime les acteurs! Ce que j’aime encore plus dans mon cinéma, c’est quand ils ne sont plus acteurs et qu’ils redeviennent de simples êtres humains! J’aime leur voler des moments de vérité. C’est pour ça que je leur souffle du texte au tout dernier moment. Il y a les figures imposées, c’est à dire le scénario, et les figures libres: ces moments où le comédien ne joue plus la comédie, qu’il devient véritablement le personnage que je lui ai proposé d’incarner.

«La musique c’est ce qui parle le plus à l’inconscient des spectateurs.»

Comment voyez-vous le cinéma français actuel?

Comme toujours, en pleine forme! La France ayant inventé le cinéma, on a le devoir d’être toujours à la pointe du combat!

Avez-vous connaissance de ce qui se passe en Amérique Latine au niveau cinéma?

J’aimerais que les distributeurs français en distribuent davantage…

Quel conseil donneriez-vous aux nouvelles générations de cinéastes et aux étudiants de cinéma? 

Prendre leur téléphone portable et tourner dès demain matin… Avec toutes ces petites caméras, maintenant, nous sommes des cinéastes…

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